Le
fondement de la responsabilité administrative dans le droit positif marocain
L’idée
que l’administration-la puissance publique- puisse être condamnée à verser des
indemnités aux particuliers pour les dommages qu’elle leur cause n’est pas de
celles qui reposent sur une tradition constante .
C’est
plutôt l’inverse qui serait vrai et il faut considérer cette transformation
comme des rapports essentiels de la théorie juridique moderne. En effet, on a,
pendant très longtemps, contesté l’opportunité même d’une responsabilité
administrative (section1) et on a de ce fait tardé à lui donner un fondement
juridique(section2).
Section1:l’opportunité
de l’existence d’une responsabilité de l’administration
Il
est peu douteux que le fonctionnement des services publics aboutisse à créer
des dommages:on ne fait pas circuler des véhicules administratifs sans qu’un
jour ou l’autre ils aient des accidents ,on ne construit pas des routes sans
qu’à un moment ou l’autre les riverains ne subissent pas un
dommage:inondation,effondrement…l’existence de préjudices de cette sorte pose
tout d’abord le problème de savoir si on doit le réparer.
Parag1:
doit –on réparer?
La
conception civiliste d’une responsabilité fondée sur la notion de faute a
longtemps paru comme insusceptible d’être transposée sur le plan du droit
public.
L’État
fonctionne pour le bien commun ,il ne fait pas de profits,il ne les cherche
pas;on ne peut donc le rendre responsable des dommages qu’il cause .il fait
pour le mieux et si son activité est dommageable pour les particuliers on
considère que c’est là une charge qu’ils doivent supporter au nom de l’intérêt
général.
A
l’époque contemporaine ,il apparaîtrait par exemple comme insupportable que le particulier renversé par
la voiture de l’administration ne soit indemnisé alors que s’il était victime
d’un accident causé par une personne privée,il bénéficierait d’une large
réparation.
L’analyse
juridique s’est de plus en plus placée du point de vue de la victime et non pas
du point de vue de l’État,auteur du préjudice.
On évolue donc de plus en plus vers l’admission d’un principe assez général de réparation,ce qui amène à se poser un deuxième problème,celui de savoir qui va supporter la charge de cette réparation.
On évolue donc de plus en plus vers l’admission d’un principe assez général de réparation,ce qui amène à se poser un deuxième problème,celui de savoir qui va supporter la charge de cette réparation.
Parag2:
qui doit réparer?
■Deux
solutions viennent tout naturellement à l’esprit:ce peut être la personne
morale administrative qui supportera,sur les deniers publics, la charge de la
réparation ou ce peut être le fonctionnaire qui,sur ses ressources
personnelles,versera l’indemnité due à la victime de l’accident qu’il a causé.
■Les deux solutions présentent des avantages et des inconvénients sur le plan de l’équité et de l’efficacité.
►le risque d’insolvabilité est un argument qui fréquemment avancé pour écarter la responsabilité du fonctionnaire.
►l’administration au contraire,elle,est toujours solvable et les victimes seront certaines d’être indemnisés si la condamnation vise la puissance publique et non pas l’agent.
■Les deux solutions présentent des avantages et des inconvénients sur le plan de l’équité et de l’efficacité.
►le risque d’insolvabilité est un argument qui fréquemment avancé pour écarter la responsabilité du fonctionnaire.
►l’administration au contraire,elle,est toujours solvable et les victimes seront certaines d’être indemnisés si la condamnation vise la puissance publique et non pas l’agent.
Il
est cependant facile de faire disparaître cette difficulté par un système
d’assurance responsabilité des fonctionnaires, en versant des cotisations à une
caisse quelconque d’assurance.
Sous
l’angle de justice,il apparaît difficile de rendre le fonctionnaire
pécuniairement responsable des dommages qu’il cause. Il serait anormal qu’il
supporte les conséquences des erreurs possibles qu’il pourrait commettre.
Le
nombre des accidents ne risque-t-il pas,de s’accroître si le fonctionnaire
n’est jamais responsable; si c’est toujours l’administration qui indemnise.
l’agent dispose alors d’une véritable assurance tous risques et les négligences
et les manques de précautions risquent de se multiplier.
Entre
le risque d’inattention du fonctionnaire et celui de passivité,il faut trouver
des solutions qui assurent un certain équilibre.
Parag3:
les réponses législatives
La
loi marocaine a apporté des réponses nuancées aux questions qui viennent d’être
posées. Ce sont les articles 79et 80 du dahir formant code des obligations et
contrats qui posent le principe d’une réparation des dommages causées par
l’activité administrative et qui en font peser la charge sur l’administration
sauf dans l’hypothèse ou c’est l’action personnelle du fonctionnaire,imputable
à sa volonté délibérée,ou à son incapacité évidente qui en est à l’origine.
Art79:l’Etat
et les municipalités sont responsables des dommages causés directement par le
fonctionnement de leurs administrations et par les fautes de service de leurs
agents.
Art.80:les
agents de l’État et des municipalités sont personnellement responsables des
dommages causés par leurs dols ou par des fautes lourdes dans l’exercice de
leurs fonctions. l’État et les
municipalités ne peuvent être poursuivis à raison de ces dommages qu’en cas
d’insolvabilité des fonctionnaires responsables.
Section2:
le régime de la responsabilité
administrative
La
brièveté des textes des articles 79et 80,le fait qu’ils soient inclus dans un
document qui est tout entier consacré à des problèmes de droit privé ne
manquent pas de soulever un certain nombre de difficultés qui ont fait,depuis
l’époque de la parution de ces textes en 1913,l’objet d’un certain nombre
d’études.
Parag1:
les thèses en présence.
Deux
questions se posent principalement à la lecture des textes,d’ailleurs
étroitement liées l’une à l’autre. Doit-on considérer que la responsabilité de
la puissance publique au Maroc est régie par les textes du droit civil et
doit-on penser qu’il s’agit d’une responsabilité générale ou qu’elle est
limitée à certaines hypothèses,celle en particulier ou l’administration aurait
commis une faute?la brièveté de l’article 79 a laissé place,en fait,à des
interprétations divergentes sur ces deux questions.
Si
la responsabilité de l’administration
dont le principe est posé par l’article79 obéit aux règles édictées par le
D.O.C on se reportera pour en déterminer le régime aux autres articles de ce
texte,essentiellement l’article77 sur la responsabilité pour faute et l’article
88 sur la responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde .
Parag1:les
thèses en présence
Si
au contraire,on admit que la responsabilité de l’administration échappe aux
règles du droit civil,si l’on considère qu’il y a un régime autonome de
responsabilité,l’article79 devient alors à lui seul le siège de la
matière,c’est dans ses dispositions et uniquement dans ses dispositions qu’il
faut trouver les éléments qui permettent de déterminer le régime de la
responsabilité administrative.
Un
article de M.A.de Laubadère présente une thèse simple:l’article79 ne prend pas
parti sur les conditions de la responsabilité administrative;il se contente
d’en fixer le principe. Ce texte modifie l’état de droit antérieur qui n’admet
pas que la puissance publique puisse être condamnée à des indemnités;il ouvre
une voie nouvelle mais il n’en trace pas les contours. Il laisse,comme en
France,à la sagesse des tribunaux le soin de déterminer les cas dans lesquels
l’administration est responsable. Le législateur français n’a jamais cru
nécessaire d’intervenir pour établir un système de responsabilité de la
puissance publique;c’est la jurisprudence du conseil d’État qui,peu à peu,l’a
mise sur pied.
Parag2:
les solutions jurisprudentielles.
« La législation
du Protectorat consacre une responsabilité objective,sans faute,pour tout acte
administratif causant un dommage à autrui ».(Cour de Rabat ,8décembre 1939 ,Marie ,
R.A.C.A.R,p.473 ).
On pouvait cependant relever également des
décisions qui déchargent l’Etat de sa responsabilité,la preuve d’une faute
n’étant pas rapportée(cour de Rabat,24 février 1939,Société
Magnascot,R.A.C.A.R,p.121)
La thèse de M.de Laubadère allait entrainer
une adhésion sans réticence de la part des juridictions marocaines:
« Attendu que le
fondement de la responsabilité administrative ne peut être recherché dans
l’article 79 du D.O.C. dont le seul but a été de proclamer l’existence de la
responsabilité des collectivités publiques;…Qu’il a simplement entendu,comme le
législateur français,laisser au juge qu’il chargeait du contentieux
administratif toute liberté pour donner
à la responsabilité administrative un
fondement jurisprudentiel préférable en cette matière au fondement législatif».(Cour de Rabat,13 mars 1951,Succession
Pichon,R.A.C.AR,53-54, p.34 et R.M.D,1951,p415.
L’instauration
,à partir de 1957,d’un recours en cassation porté devant la chambre
administrative de la cour suprême,n’a pas modifié ces positions de principe.
Dans une jurisprudence relativement
peu abondante en la matière,la cour suprême
a sans cesse confirmé l’inapplicabilité des règles du droit civil(cour
suprême,16juillet1959,ville de Tanger,R,p190)et l’absence d’automaticité de la
responsabilité de l’administration(cour suprême;7mai1960,Etat marocain contre
Déjoie,R,p.218).
Les
nouvelles dispositions sur les tribunaux administratifs ne touchent pas le fond
du droit,l’art8 de la loi se contentant d’affirmer que les tribunaux
administratifs sont compétents pour juger « les actions en
réparation des dommages causés par les actes ou les activités publiques».
La
conséquence évidente est que les tribunaux ordinaires cessent d’être compétents
en la matière,mais les règles applicables ne sont pas affectées.
La
responsabilité de l’administration n’étant ainsi générale ni absolue,il
convient donc de dégager de la jurisprudence quels sont les cas oû la responsabilité de la puissance
publique peut être engagée
avant d’examiner les techniques de mise en oeuvre de cette responsabilité et
les hypothèses de responsabilité personnelle des agents publics.
Chapitre
2: les cas de responsabilité de l’administration
Première
Section : la responsabilité pour faute de service
La
faute de service peut se définir comme le manquement constaté aux obligations
qui pèsent sur le service. Cette faute n’est absolument pas assimilable à la
notion courante de faute, il ne présente aucun caractère moral ou subjectif, il
s’agit d’une faute objective qui s’apprécie par rapport à ce qui implique le
fonctionnement normal du service
1-
nature de la faute de service
La
faute peut résulter de la mauvaise organisation du service ou du mauvais
fonctionnement de celui-ci sans que l’on puisse dire qu’elle est le fait d’une
personne déterminée. Une décision administrative peut être fautive si deux
conditions sont réunis:
Il
faut qu’il s’agisse d’une décision grief et il faut en outre qu’elle soit
illégale
les
agissements peuvent être très variables :
Matériels
comme par exemple dans le domaine des travaux publics : chantiers mal entretenus,
non balisés, ouverts au public malgré le danger des matériels ou des travaux,
etc.
Administratifs
comme les renseignements erronés donnés par les services
2-
la gravité de la faute de service
Dans
ce cas le juge apprécié concrètement les faits et qu’il établit une relation
entre les faits qui sont à l’origine du dommage, les circonstances et les
obligations du service.(faute simple ; faute lourde).
3-
la preuve de la faute
En
matière administrative ; il est essentiel de pouvoir apporter la preuve de
son droit. Il faut prouver la faute de service.
La
cour suprême consacre le principe des modes de preuve
La
procédure civile
Le
renversement de la charge de la preuve
Deuxième
Section : la responsabilité sans faute
L’application
du système de la responsabilité pour faute pourrait conduire à l’impossibilité
pour la victime d’obtenir réparation du préjudice en raison de son incapacité à
démontrer l’existence d’une faute à la charge de l’administration. Pour cela le
juge à imaginé de faire appel à un autre système : la responsabilité sans
faute.
1-
la responsabilité sans faute liée au risque
a-
travaux publics :
Le
juge a été amené à admettre assez largement la responsabilité sans faute dans
le domaine des travaux publics et des dommages causés à des personnes autres
que les participants à ces travaux
b-
choses ou activités dangereuses :
- La
jurisprudence a également admis la responsabilité sans faute en se fondant sur
le risque exceptionnel né de choses ou activités dangereuses
-
- Le voisinage
de choses dangereuses ( éxplosion d’un dépôt de munition);
-
- Les activités
comportant des dangers
-
- L’utilisation
des armes à feu
c-
interventions de collaborateurs occasionnels :
la
résponsabilité sans faute fondée sur le risque est enfin appliquée par le juge
dans le cas de dommages subis par des collaborateurs occasionnels de
l’administration.
2.
la responsabilité sans faute fondée sur la rupture directe de l’égalité devant
les charges publiques
L’exercice
de son pouvoir de décision par l’administration peut difficilement se rattacher
à l’idée de risque mais il peut avoir pour effet de pénaliser indirectement une
personne ou un groupe de personnes. Alors, même si l’action est régulière et
répond aux nécessités de l’intérêt général, le juge admet le principe d’une
réparation dés qu’il constate l’existence d’un dommage anormal.
Les
cas d’application les plus fréquents concernent des décisions de ne pas faire
intervenir la force publique et en cas de défaut d’application d’une
réglementation.
Conclusion
La responsabilité
pour faute constitue la règle tandis que la responsabilité sans faute constitue
l’exception.
Mais
dans les deux cas, il faut bien comprendre que le fondement de la
responsabilité publique est le même : il s’agit du principe d’égalité de tous
devant les charges publiques formulé solennellement par les articles 17 et 18
de la constitution et qui, en outre, constitue une manifestation particulière
d’un principe plus général, le principe général du droit de l’égalité.
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